Le 18 septembre 2009: le récit de la naissance de Galaad

Galaad

Prologue

Il faut revenir en arrière d’une semaine…déjà !
Mardi matin, voilà 24h que je n’avais plus aucune contraction de préparation alors que j’en avais eu tout le week end. J’ai commencé à flipper (merci nos amies les hormones, que ferait-on sans elles) en me disant que j’accoucherais jamais (lol) et qu’on allait me déclencher etc…
J’ai donc craqué et appelé mon ostéopathe pour une petite stimulation. J’y suis allée le mardi soir, j’en ai pas parlé pour ne pas être déçue si ça ne marchait pas…En fait l’ostéo a manipulé mon crâne pour libérer le fonctionnement hormonal, les tensions etc.. Et comme d’habitude il m’a dit « eh ben y’en avait besoin… vous lâchez jamais la pression hein… » Bon, selon lui, dans les 24 -48h il allait se passer quelque chose, j’étais quand même à 40 SA… comme on dit « y’a plus qu’à » !
Mercredi morose puisque rien ne se passe …

Ch 1 : un jeudi pas comme les autres !

4h du mat, gros chagrin dans mon lit… Je pleurais, je savais pas trop pourquoi. Je me lève pour aller finir ma nuit dans le salon et ne pas réveiller mon homme, mais lui, comme il entendait un peu de bruit, il a cru que j’avais des contractions et qu’il fallait partir à la mater. Je le vois débarquer les yeux tout ensomeillés, limite les mains devant lui pour pas se prendre la porte du couloir dans la gueule lol
« Va te rendormir, c’est juste une insomnie c’est 4h, repose toi ! » Il est chou mignon… Il a pas vu que je pleurais. Et là j’ai continué à pleurer sur le canapé jusqu’à 7h du matin environ. A penser à plein de choses, faire un peu des deuils perso, le grand ménage dans la tête quoi… Je retourne me coucher lâchement après le petit déj.
11h15 je me réveille, et je constate des pertes sanguines – ça ne m’inquiète pas… Mais bon, les pertes ne s’arrêtent pas, alors je finis par appeler la maternité par prudence. J’étais vraiment persuadée que c’était le col qui saignotait. Et ma mère, qui ne voulait pas s’enthousiasmer pour rien, qui me fait un petit « ouiii, peut être, par précaution, voilàà… » mais qui savait très bien ce qui allait se passer… Hypocrite !!!
Etant donné que j’habite à côté, la SF me conseille de passer pour une vérification, en début d’aprem. J’en profite donc pour rappeler mon homme à la maison (il attendait que ça, une fausse alerte !). Je me dis que quand même, ils sont capables de me garder en observation alors je ferme les valises ; je fais un bon repas de midi avec mon homme, je laisse un petit message à ma mère, un autre à Daphnée, et hop c’est parti. Pour vous dire comme j’y croyais pas un brin !

Verdict à la mater : fissure de la poche des eaux, on va voir le gynéco de garde. Coup de bol c’est le mien (je demande qui est de garde ? on me répond « le grand manitou » ça fait du bien au moral !!). Il passe, toujours aussi bourru. « Alors on tient le bon bout ? Je vous fais monter en chambre, et puis si dans 24h le travail n’a pas commencé, je vous le déclenche. Mais normalement ça suit son cours vous verrez. » Le tout sur un ton super sec et à la fin, son sourire furtif de gros timide, il me fait délirer. Il ferme la porte et avec Philippe on éclate de rire à cause de ça.
Bon, ben c’est parti pour l’attente alors. Philippe est content mais moi j’appréhende quand même, je sens que je suis pas sortie de l’auberge, et je lui confie que j’ai un pressentiment que ça va pas se passer comme on voudrait… (en même temps… ce serait rarissime !)

Le 2e gros coup de bol, c’est que je prends la dernière chambre particulière disponible. On s’excuse parce que je suis au dessus de travaux (mais je m’en tape, avec les orages et le week end je sais très bien qu’ils ne me dérangeront pas avant lundi !) et parce qu’elle est petite. Mais TANT MIEUX !!! La chambre est bien plus accueillante que celle qu’on nous avait montré à la visite : pas de lattes en métal au plafond qui t’opressent, pas d’aquarium à bébé (ça, c’était affreux) mais un joli plan à langer avec baignoire, lavabo, tout ce qu’il faut… et une superbe vue sur le parc avec un balcon ensoleillé. Mais que demande le peuple ???
Philippe repart à la maison chercher la grosse valise (on avait pas pris celle pour le séjour complet) et moi je prends le soleil avec un bouquin, j’ai même pas une contraction rien… mais je positive grâce à tous ces coups de chance.
Les contractions ont bien voulu démarrer vers 17h environ. Je passe un monitoring à 18h, Philippe vous laisse un message à ma demande… mais les contractions sont irrégulières, c’est pas du vrai travail, donc on est partis pour la nuit à attendre… grrr !!  Mais on est pleins de bonnes résolutions avec l’hapto, on est à fond ! Heureusement car les mauvaises nouvelles arrivent. Une prise de sang pour mes globules blancs, et puis il faut poser la voie vers minuit, pour passer une perf avec des antibio au bout de 12h de rupture de la poche. J’explique à la SF mon problème d’aiguilles… Elle gère impeccable, moi aussi, je suis pleine d’hormones et ma préparation a bien fonctionné. J’ai quand même énormément de mal à encaisser la vision du cathéter et la perf toujours à mon bras, mais je ne me sens pas agressée donc je gère bien ! Et je suis super fière ! Philippe m’encourage à fond et il est fier aussi, donc on est confiants.
La nuit arrive… c’est bientôt minuit… les contractions sont toujours irrégulières et le col, même s’il s’efface, ne se dilate pas encore. C’est pas très efficace. Philippe me dit « c’est pas possible, y’a quelque chose qui coince. Faut réfléchir, visualiser, il se passe quelque chose, c’est bloqué. » Et je prends conscience qu’une idée me parasite depuis l’après midi, une grosse idée à la con : « mais ça peut pas passer par là c’est pas possible… on nous ment… ça peut pas ! » Vous noterez que c’est vraiment con comme idée ! Mais c’est là ! On se prend un bon fou rire du coup… Et on focalise là-dessus, on commence vraiment à inviter le bébé à passer, à nous rejoindre, on lui envoie plein de messages d’amour et d’encouragement. Devant nous, il n’y a qu’une seule étoile visible : je la fixe, je me dis que c’est lui, et qu’il faut qu’on fasse le chemin l’un vers l’autre ! J’ai fixé l’étoile toute la nuit.
Les contractions sont devenues à partir de ce moment, efficaces, régulières, toutes les 5 mn… comme quoi… j’avais bien bloqué comme une imbécile ! Je constate que je prends beaucoup mieux les contractions debout, alors j’ai passé la nuit assise sur le bord du lit, et debout contre la fenêtre à chaque contraction. Philippe me passait toutes les demi heures des huiles essentielles sur les poignets, le plexus et les reins (c’est divin ce machin) et je prenais les granules homéopathiques conseillées par la SF. Du coup, je l’ai envoyé dormir 2 heures à côté de moi (ils fournissent un lit de camp c’est chouette). Heureusement qu’on a apporté à grignoter, le travail ça creuuuuse ! Vers 5h je le réveille et je me dis que je vais arrêter de manger des biscuits, je vais attendre le petit déj. Grossière erreuuuuuur !!!!!!
6h30 monitoring de nouveau. Je demande à la SF à quelle heure on mange :lol !: elle me dit entre 7h et 7h30 et puis après on vous emmènera en salle d’accouchement. Je lui indique que vraiment, les contractions couchée c’est pas possible, ça fait super mal et elles sont plus longues, alors je lui demande de brancher le monito debout. Bon, il faut être allongée pendant le branchement, mais ensuite je pourrai me lever, donc ok. Sauf que…

Ch 2 : Vendredi, dernière ligne droite, allez allez !!!!

Sauf que comme je prends très mal les contractions couchée, la première enregistrée au moment du branchement du monito est très longue et douloureuse, je respire mal, ça va pas, et le rythme du bébé descend une micro seconde en dessous de 130. Rien de dramatique mais la SF décrète que c’est pas bon, travail long, contractions trop longues, bébé qui souffre. Elle me dit que là, on va probablement me poser une péridurale sur indication médicale, pour accélérer la dilatation (je suis à presque 3, mais j’ai pas expliqué le coup du blocage à la SF… elle sait pas elle que je suis une super-mentale… et qu’en fait, c’est comme si j’avais commencé vers 1h du mat seulement :lol !:) et qu’il y a un fort risque de césarienne. Et au passage, elle me supprime le petit déj, plus manger ni boire à partir de maintenant. Philippe tente de négocier, on sait bien que ça sert plus à rien de jeuner avant une césarienne, mais « c’est le protocole désolée ». Entre temps je me pends au cou de Philippe « je veux pas qu’on me découuuupe », il est très choqué aussi, pour une micro seconde sur une contraction particulière (alors que le reste du monito est bon), qu’on nous dresse un tableau si pessimiste. Pourtant, je dois dire que la SF de nuit que nous avons eu était super. J’imagine que c’est vraiment le protocole… ou qu’elle s’est un peu affolée. Elle me dit que le gynéco de garde va passer, je lui demande si c’est toujours le mien, elle ne sait pas, mais finalement elle est allée le voir. C’était la fin de sa garde, il partait pour son cabinet en ville, mais il a tenu à passer. « Ben alors, je vous ai attendu toute la nuit moi ! C’est dommage ! » Philippe en profite pour lui montrer le monito, lui expliquer ce qu’on nous a annoncé… « Meuu non, z’avez pas fini de vous inquiéter si vous partez comme ça, il est parfait ce monito, tout va très bien… » Alors Philippe (toujours au top !) en profite pour dire qu’on m’a privée de petit déj à cause de ça ! Le gynéco passe la tête dans le couloir, et lance à la cantonnade « Faut qu’elle mange Mme Laine, vous la goinfrez pas mais quand même, faut pas la priver. Allez ! » et là j’entends trois « oui docteur »… c’est trop rigolo… Mais ça dure pas longtemps. On m’apporte un thé et 2 biscottes avec du beurre (rheuuuuuuu c’est ça le petit déj ????) et au même moment le brancard qui arrive « allez on s’en va »
« Naaaan je veux mon déj d’abord !!!
-Pas question on y va c’est trop tard
-Juste le thé s’il vous plait…
-Bon allez rapido »

J’avale mon thé en 2 gorgées : après ces émotions ça fait du bien une boisson chaude et sucrée… Mais si j’avais su j’aurais mangé mes biscuits en douce pendant le monito moi… !!!!! J’avais une dalle d’enfer !!
On descend, je blague avec les SF qui savent pas conduire un brancard :lol !: et Philippe appelle ma mère pour la prévenir et lui dire de venir. Souvenez vous, on avait prévu qu’elle puisse prendre le relais si mon homme tombait dans les pommes…

Ch 3 : la salle d’accouchement

Changement d’équipe, et c’est plus la même. Je suis accueillie par une SF pète-sec, très énergique, qui nous regarde d’un œil bizarre. On comprendra pourquoi plus tard. Philippe est tout blanc : entre la nuit qu’il a passée, et les émotions fortes, il est déjà en vrac avant que ça commence. Depuis le matin tôt, il fait un orage d’enfer et nous sommes contents d’avoir pu venir à la maternité un jour de soleil, plutôt que sous l’orage. Si j’avais pas percé la poche des eaux, je pense qu’on aurait pris la douche! Mais là, quand je rentre en salle d’accouchement, le temps se calme, s’éclaircit, on dirait que tout se prépare à accueillir ce petit être qui arrive. Il y a un arbre devant nous et des mésanges qui nous narguent. C’est magnifique en fait…
Mais y’a ma pète-sec de SF. J’essaie de lui expliquer qu’on a fait un projet de naissance tout ça (elle en a rien à foutre) avant tout pour m’aider à gérer une phobie (re- rien à foutre, elle fait ouioui mais bon… ) et que j’ai 2 personnes de confiance parce qu’il est possible que Philippe tienne pas jusqu’au bout (inhabituel apparemment mais …). Elle m’explique alors que le travail est trop long et qu’elle va me donner de l’ocytocine de synthèse pour accélerer. Que ce serait bien que je fasse une péri parce qu’avec l’ocytocine, et à 3 de dilatation, ça va aussi accélérer le travail et c’est bien pour le bébé. Bon, je lui redis que les piqûres et moi on est pas copines et que je préfèrerais essayer sans. D’une moue dubitative, elle me dit qu’avec l’ocyto, j’y arriverai pas et qu’on en reparlera.
Effectivement, quelques minutes après le début de la perf, les contractions changent et nom de Zeus c’est pas les mêmes… c’est pas une vague qui monte, c’est une douleur rapide et pas vraiment gérable. Et une heure après, ces contractions m’empêchant complètement de me concentrer sur bébé, et me tirant les larmes, j’abdique parce que je me vois pas durer toute la journée comme ça (et surtout la perte du contact mental avec le bébé ne peut pas arranger les choses).

Ch 4 : affronter ses peurs et le méchant anesthésiste

Euh, de toute façon j’avais un choix symbolique. La péri à ce stade, combinée à l’ocytocine, accélère le travail et la SF a passé quelques minutes à m’expliquer combien c’était important pour le bébé. Donc ok… C’est l’heure de devenir un homme (c’est ce que mon gynéco m’avait dit dans une consultation, « vous verrez, après l’accouchement vous serez un homme ! »)
J’appelle la SF donc, et je lui dis que j’ai quelques questions par rapport à la péri. Je lui demande si elles sont super dosées ou non etc. Souvenez vous qu’à la prépa naissance, on m’avait dépeint un tableau très noir, que les anesthésistes, surtout l’un d’entre eux, mettaient « LA » dose, et au cours sur la poussée, la SF nous avait carrément fait tout le cours en partant du principe qu’on serait incapables de pousser à cause d’une trop forte dose d’anesthésiant. Bon, ben elle avait tout faux (et finalement, heureusement, c’était assez scandaleux ce qu’elle nous racontait).
La SF m’explique que non, je sentirai tout, et qu’ici ils ont d’excellents anesthésistes, qu’ils ont fait beaucoup de progrès dans les péri et qu’elles sont très finement dosées. Je lui demande de l’aide pour encaisser la piqure. Elle a toujours son regard bizarre que j’arrive pas à interpréter. Mais bon, elle appelle l’anesthésiste. Philippe n’est plus blanc, il est OMO Machine !
Il rentre un jeune barbu en coup de vent, hyper énergique et d’une présence impressionnante, on dirait que c’est Bruce Willis qui vient faire péter l’Armageddon !
 « Monsieur vous sortez s’il vous plait. » Le ton est sans appel, il te laisse 2 secondes sinon il te pète la gueule c’est capté ?
Il me rudoie à mort le gars, avec une autorité dingue. « Vous vous mettez sur le bord de la table, là, NON PAS LA, LA » oui ben mon gars vas y lève toi et marche, avec une contraction au milieu, le monito et la perf + l’appareil à tension , je suis branchée de tous les côtés et il s’énerve que je vais pas assez vite :rage:

ici âmes sensibles s’abstenir de lire !
« Penchez vous en avant, dos rond, plus, plus, encore » Je proteste que j’y arrive pas (en fait c’est le monito qui me gêne, j’arrive pas à me plier en avant, le ventre est trop comprimé). Bon… Je pose carrément la tête sur la poitrine de la SF qui me tient les épaules, je sais que je ne dois pas bouger si j’ai une contraction. Plus que peur de la piqure, j’ai une putain de trouille qu’il se manque, mon dos est si fragile… Ca dure des plombes. Il m’explique qu’il fait l’anesthésie locale (ok, avec les contractions maousse, je sens plus la douleur de la même façon) et il teste, 1, 2, 3 positions… Il me dit c’est bon, je vais injecter le produit. Il envoie l’aiguille, c’est déjà pas agréable du tout, et là le produit… ben Vanes, tu dis que tu as eu mal, mais moi j’ai eu l’impression de mourir en fait. Ca m’était arrivé de prendre une châtaigne sur du 12 volts – ben là je me suis faite électrocuter complètement. Je pense qu’il a piqué dans un nerf car toute la jambe droite a été secouée d’une demi douzaine de décharges électriques très violentes. J’ai donc hurlé (je pèse mes mots) à chaque décharge, avec la SF et l’anesthésiste qui comprenaient pas et me disaient, l’un que je faisais du cinéma, l’autre que je foutais la trouille aux autres en train d’accoucher. Philippe, qu’on avait carrément foutu dehors près de la salle d’attente, m’a entendu hurler alors qu’il était à plusieurs couloirs de là… Il l’a très mal vécu car il ne voyait pas ce qui se passait et pensait que c’était le début et que j’allais encore souffrir davantage. Ca l’a achevé le pauvre, surtout que nous sommes vraiment connectés tous les deux, et que quand je souffre ou que j’ai peur par exemple, il le ressent très fort et ça lui pompe l’énergie…
J’explique à mes deux tortionnaires, une fois mon souffle repris, ce qui s’est passé, ils arrêtent de m’engueuler – toujours ça de pris.
Ils m’allongent, ils sont plus doux maintenant, et m’expliquent que je vais sentir une diffusion de chaleur et un engourdissement. Ils font rentrer Philippe, j’ai la jambe droite en feu, je ne sens plus rien de ce côté, et rapidement, un sommeil puissant me prend. Sauf que dès que mes yeux se ferment tout seuls, je me sens partir dans les pommes c’est très flippant.
Comme on se retrouve seuls dans le silence, que je m’endors, quand j’ouvre un œil (glauque), je vois Philippe tout blanc, sur son tabouret, qui me tient la main, qui s’endort aussi mais veut tenir coûte que coûte. On regarde par la fenêtre ce grand arbre, le ciel bleu qui fait une percée, c’est très calme d’un coup. Mais rapidement je me rends compte que si je ne sens rien du tout à droite (même pas la sensation qu’il se passe quelque chose, alors que la péridurale doit te laisser sentir sans souffrir), je sens tout à gauche. C’est très déstabilisant comme info contradictoire dans ton cerveau ! Et surtout c’est ingérable.
Je rappelle la SF, elle fait des tests. Elle me dit qu’il va falloir repiquer. Là clairement, je lui dis que je serai pas capable de refaire ça une deuxième fois. Mon non est ferme, je n’ai plus la force d’encaisser autant de douleur c’est clair ! Alors elle me fait mettre sur le côté gauche pour que le produit diffuse mieux.

Alors je patiente encore. Mais je vous laisse imaginer comme c’est sympa de tout encaisser du côté gauche ! Je ne sais plus où je suis, Philippe tente de me raccrocher au bébé comme on nous l’a conseillé en hapto, mais j’ai beaucoup de mal.

Ch 5 : Accroche toi c’est la 2e couche !

Je suis en train de craquer, toujours pas d’anesthésie à gauche, je rappelle la SF et c’est une autre, bien plus humaine, qui rentre. On réexplique, elle me dit qu’elle peut faire revenir l’anesthésiste pour qu’il déplace légèrement le cathéter, quelquefois c’est aussi simple que ça pour que le produit diffuse mieux. Je suis ok pour ça. Il revient, fait joujou dans mon dos, et me dit je vous renvoie une dose, vous restez sur le côté gauche.
La 2e dose est indolore. Mais au bout d’une heure, toujours rien à gauche. Je sens qu’il va y avoir des moments difficiles. Alors je regarde Philippe et je lui dis qu’il est temps pour lui de passer le relais. Je sais que ma mère est en salle d’attente, prête à m’aider, blindée. Je lui dis qu’il faut qu’il aille se ressourcer au moins une heure, que j’en ai pour des plombes et qu’il ne doit pas se sentir coupable. Je sens qu’il va falloir prendre des décisions et il n’est plus en état de les prendre. J’ai confiance en ma mère pour m’aider à prendre ces décisions médicales (je garde toujours en tête leur sale menace de césarienne). Après tout, on a lu le bouquin de brabant longuement toutes les deux et on a beaucoup discuté de l’accouchement, on est sur la même longueur d’ondes. J’ai du mal à convaincre Philippe qui a peur de m’abandonner, mais je finis par y arriver. 
Le moment où je suis restée seule pendant que Philippe était parti et ma mère en train de s’habiller a été atroce. Je me sentais partir dans les pommes, je me raccrochais au bébé avec la détermination du désespoir, franchement ! Je lui ai parlé tout le long, en laissant éclater tout l’amour que j’avais pour lui et combien on l’attendait ! C’est la seule chose qui m’a aidée à tenir. J’avais appelé la SF en lui disant que je me sentais partir, elle m’a dit que ma tension allait très bien et qu’il fallait pas que je me laisse aller. (Merci du réconfort).

Ch 6 : Où l’on s’aperçoit qu’on ne remplace pas une mère

Depuis toute petite, quand j’étais dans ma chambre, le soir, j’attendais ma mère. Elle rentrait très tard, quand elle n’était pas carrément de garde. Alors depuis, même si elle était là pour m’endormir avec une histoire, je la faisais souvent revenir rien que pour entendre son pas dans le couloir (il est inimitable). Je vous laisse imaginer le réconfort d’entendre ce même pas dans le couloir. J’étais dos à la porte mais je savais qu’elle venait d’entrer et c’était tellement bon. Ses yeux bleus pleins d’énergie, elle m’a serré très fort les mains, et m’a regonflé du mieux qu’elle pouvait. Elle était tellement contente pour moi, et aussi pour elle, de m’aider. Rien ne lui semblait difficile. C’était le roc dont j’avais besoin à ce moment précis , non pas que Philippe ait failli à sa mission, mais il était allé au bout de lui-même et je lui avais tout pris !
Elle me raconte que – surprise – dans la salle d’attente, il y avait mon amie Christina, qui accouche le mois prochain et qui attendait son rendez vous du 8e mois. Qu’elle m’enviait et qu’il lui tardait d’accoucher… Heureusement elle ne m’a pas entendu crier, ça lui aurait ôté toute envie !
La SF revient rapidement pour m’annoncer la mauvaise nouvelle : il faut repiquer. La péri ne fonctionnant pas, elle n’accélère pas le travail, et on peut pas laisser ça durer des plombes – surtout qu’on a arrêté les perfs d’antibio depuis qu’on a posé l’ocytocine, ça ne leur plaît pas.
Et puis elle prend son élan. Elle se place à côté de moi et :
« Vous n’allez sans doute pas aimer ce que je vous dis. On déguise pas sa personnalité, et je suis comme je suis, je vais pas faire la gentille si je ne suis pas comme ça. Mais ça ne m’empêche pas de vouloir vous aider, je le fais à ma manière. Alors tant pis si je vous vexe.
Vous vous écoutez trop ! Quand je vous ai vus rentrer avec votre mari, j’ai compris que ça n’allait pas se passer facilement. Vous êtes trop émotifs tous les deux. Vous intellectualisez trop. Tout à l’heure vous disiez vous sentir mal, mais médicalement, vous n’aviez rien du tout, c’est tout dans votre tête. Il faut trouver de la force maintenant ! Vous allez être maman, et pour lui, il faut beaucoup de force, comment va faire ce bébé dans la vie si sa mère n’a pas la force ? » Je vous avoue que j’ai oublié la suite du discours. J’ai tenté de protester que je faisais le maximum d’efforts mais elle était très dure et je n’ai pu finir que par dire oui…

Ch 7 : L’anesthésiste sonnera trois fois

Re –Armageddon.
« Madame, vous sortez tout de suite. » Fou, ma mère qui est restée dans le bloc opératoire pour toutes mes opérations, elle sort sans moufter en 2 secondes. Je vous dis qu’il était autoritaire le barbu. C’est reparti. Mais après le discours de la SF je suis totalement assommée et sans volonté. Moi, sans force pour mon bébé ? Je m’abandonne complètement, ce constat me rend si triste que je n’ai plus peur de rien, je suis juste hébétée de tristesse.
Maintenant que je n’ai plus le monito, je peux me pencher en avant et je suis totalement relâchée ce qui est mieux pour la pose. Mais ça dure… Je finis par demander « vous en êtes où ?
- Au tout début ! »
- Au tout début ? mais ça fait 2 minutes qu’il trifouille ; avec les 2 doses de péri je sens pas très distinctement ce qu’il fait mais il fait des trucs c’est sûr.
Il me dit « vous avez eu des problèmes de dos enfant ?
-oui une scoliose, qui a été traitée
-oui mais elle n’y est plus là, elle est guérie
-oui tout à fait
- et pendant la grossesse ?
-je me suis démis 3 fois les vertèbres pendant la grossesse.
- mais pourquoi il n’y a rien dans votre dossier ? Vous avez fait la consultation avec l’anesthésiste pourtant ? »
Ben là joker, on énerve pas un mec qui a une grosse aiguille plantée dans ton dos. Mais je voulais lui dire qu’il n’y avait rien dans mon dossier parce que sa conasse de confrère m’avait même pas examinée mais je me suis retenue. Je lui avais dit pour les vertèbres, mais elle a rien regardé et surtout rien noté dans le dossier… pff… me suis vengée après ne vous inquiétez pas !
Bon, il a piqué toutes les vertèbres, de bas jusqu’entre les omoplates quasiment. Il a fait vers le haut… puis vers le bas… puis il a dit « je trouve pas, je passe nulle part… » et c’est la SF pète-sec qui m’a sauvée. Elle a juste dit sèchement « ah non, vous êtes le meilleur, vous n’abandonnez pas ! »
Il a alors fait une dernière tentative qui a bien voulu fonctionner et sans douleur s’il vous plaît. Je ne sais toujours pas ce qui a fait qu’il ne passait pas entre mes vertèbres – l’ostéo avait tout vérifié avant. La première fois j’étais très tendue, mais pas la 2e, j’étais trop hébétée. Mystère !

Ch 8 : Où petit bonhomme fait son chemin

A partir de là, je suis rentrée dans une douce bulle, à discuter avec ma mère, seules dans la salle, pendant peut être une heure. La SF m’a positionné sur le côté gauche, ce qui m’a permis d’ouvrir tranquillement mon bassin. Une de mes craintes était qu’on m’oblige à accoucher sur le dos, car j’ai pas mal de soucis au bassin (il se décale tout seul) et ça m’aurait causé pas mal de problèmes post-partum. Là, allongée dans le matin, nous avons discuté de choses et d’autres, je ne me souviens plus de quoi d’ailleurs ! Je sens encore la douce poussée de mon petit bonhomme qui faisait son chemin. Comment décrire cette sensation, cette pulsion de vie qu’on sent en soi, cette volonté de gratter centimètre après centimètre vers la vie ? C’est pour moi la plus belle sensation de tout l’accouchement, sentir sa volonté de naître, de venir au monde, de venir vers NOUS ! Et à chaque poussée qu’il faisait, je l’encourageais, je lui disais combien je l’aimais. Moi qui suis totalement pudique, j’ai tout oublié ! J’ai été complètement libérée de cette pudeur émotionnelle, qui a imprégné toute mon éducation. J’étais connectée au bébé et c’était tout ce qui comptait ! Je me rends compte que je suis en train d’oublier l’accouchement, et j’aimerais tellement conserver le souvenir de cette sensation précise ; cette sensation pourrait bien être une vraie définition de ce qu’est l’amour que j’ai pour mon fils ! Souvent, entre adultes, on se demande « qu’est ce que l’autre ferait pour moi ? Qu’est ce que je ferais pour lui ? ». J’ai le sentiment que ce bébé a été appelé par nous, et qu’il a répondu à notre appel… Allez j’arrête, je pleure comme une madeleine depuis 10 lignes !

 

Ch 9 : Il est l’or monseignor !

La SF est venue interrompre ce doux moment, pour m’annoncer qu’il faut passer à la poussée maintenant. Elle me dit même que je peux commencer sans elle si je le sens (rheuu… oui…. ). Je lui demande ce qu’elle compte faire concernant l’épisiotomie. Elle me dit grosso modo qu’elle aime pas ça et qu’elle le fera si c’est indispensable, et le minimum possible. Alors je lui réponds que je lui fais confiance, et alea jacta est, de toute façon je suis plus en état de défendre mes positions. Ma mère surveille d’un œil noir tous les instruments qu’on place à côté de moi, la tigresse prête à défendre ses deux générations !
Brève discussion : faut-il aller chercher Philippe pour qu’il m’assiste lors de la poussée ? Je pense que non, il a du aller dormir un peu et il ne tenait pas à voir vraiment la sortie du bébé. Bien qu’il se tienne prêt à m’aider en toute circonstance, je sais qu’il ne tient pas vraiment à le faire, alors je demande qu’on aille le chercher pour qu’il arrive juste après la naissance.
Entre-temps j’avais briefé ma mère sur comment on tient la tête pendant la poussée etc. On fixe les étriers, on passe sur le dos avec grande difficulté parce que bébé est bien engagé, et c’est parti !
Oubliée l’humanité chez la SF, elle m’engueule comme un SS  « Allez, vous poussez pas assez, vous le voulez ce bébé ou non ? » Le truc qui te met bien en rage !
A force de pousser en apnée, je finissais par un cri rauque genre « Adrienne j’ai gagné », alors je me faisais encore engueuler. «  toute l’énergie que vous mettez à crier, vous ne la mettez pas à pousser ! Alors taisez vous et poussez !!! »

Gnaaaaaa !!!!!!!

J’entends « stop ! poussez pas, poussez pas ! » puis « l’épaule, là, dégage l’épaule ». Je sens qu’elle tire sur le périnée, qui n’a pas le temps de se distendre, (je suis à peine à 4 ou 5 poussées !), qu’elle tranche, j’ai un bref sentiment de tristesse pour ce qui se passe, mais je comprends bien que c’est très rapide. Or c’est le temps qui permet au périnée de se distendre correctement. Tant pis, c’est fait.
« Allez y poussez ! » Je me fais pas prier ! Maintenant il faut qu’il vienne, j’ai la rage, marre d’attendre, attendre, attendre, qu’il vienne ce bébé ! C’est ma mère qui me secoue et me dit « arrête, il est sorti ! Il est là, regarde ton bébé, il est là ! » Effectivement je l’ai senti glisser, mais je suis tellement concentrée sur la force que je veux donner à la poussée que j’ai pas arrêté ! Quelle furieuse !
 Je suis tellement à l’ouest que lorsque la SF se tourne vers ma mère pour lui demander si elle veut couper le cordon je m’écrie « non non non ! » tellement persuadée que Philippe est là, et sachant qu’il ne veut surtout pas couper le cordon, j’ai répondu par réflexe. Je regarde ma mère, je marmonne un truc genre « ah c’est toi , euh, oui oui vas y si tu veux »… à l’ouest je vous dis…
Puis j’envoie ma mère chercher Philippe qui arrive immédiatement. Pour cause, il ne dormait pas mais attendait derrière la porte. Il a voulu aller se reposer, mais n’a pas pu, ne sachant pas si je souffrais, si la péri avait fonctionné… alors il a attendu derrière la porte, inquiet de ne pas avoir de nouvelles depuis 2 heures. Il avait beau demander, personne n’était capable de lui donner la moindre info, et placé dans la salle d’attente, je pouvais très bien être remontée dans la chambre sans qu’il le sache. A force de tempêter, il arrive à décider une minette du secrétariat à demander des nouvelles – et c’est comme ça qu’on a su qu’il ne dormait pas ! Comme il dit, c’est pas la peine de faire un prospectus de la mort sur la qualité de l’accueil dans cette maternité, pour le laisser poireauter sans aucune info !

Mais bon, du coup il est tout près et arrive dans la seconde. Il entre, j’ai mon bébé sur le ventre, je le caresse, je ne réalise pas encore qu’il est là, je suis juste soulagée que ce soit terminé. Je sens que la SF expulse le placenta rapidement. Philippe est là, il me tient la main, il me dit combien le bébé est beau et des tas d’autres choses dont je ne me souviens plus déjà ! On prend le bébé pour une toilette rapide juste à côté de nous, et la SF entreprend de me recoudre. Philippe grimace, se tourne vers moi pour ne pas voir, et je ne sais pas pourquoi, je me mets à fredonner « Ce n’est rien » de Julien Clerc, pour me convaincre sans doute que ce n’est pas grave, que la coupure ne compte pas. Philippe pleure, moi aussi, c’est un moment de communion incroyable, de soulagement, de joie, de libération. (et hop, je pleure en même temps tiens ! Et j’espère que vous pleurez aussi ! Ca vous apprendra à lire mes conneries)

 

 

Epilogue : l’heure du choix !

« Alors, vous l’appelez comment ? »
« heu, attendez, on voulait voir sa bouille avant de décider, laissez nous quelques minutes… »
On se regarde ; on regarde tous les deux l’éclaircie dehors. On se remémore les jours de pluie qui ont précédé l’accouchement, le magnifique soleil de la veille quand tout a démarré ; nos pensées se suivent sans un mot ; il y a encore des oiseaux dans l’arbre.
Le mois précédent, nous étions allés dans un resto que nous connaissons bien, où le patron lit le marc de café. Il fait plus de psychologie que de voyance, mais le peu d’infos qu’il délivre a toujours été vrai en ce qui nous concerne. Cette fois là, il nous avait dit que nous aurions un fils chanceux et lumineux. C’est d’ailleurs à ce moment là que Galaad s’est imposé dans notre top 3 – lui qui a touché le Graal et approché la lumière, le seul chevalier si pur qu’il peut s’assoir à la droite d’Arthur, sur le siège périlleux, dans la légende. Je repense au prénom Tristan, j’ai tellement eu de moments de tristesse durant cet accouchement, ce n’est pas le souvenir que je veux en garder.
Alors, un peu envahis par ce thème de lumière, et toujours sans avoir échangé plus que quelques mots, nous nous regardons de nouveau et je lui dis « alors, Galaad ? » Il hoche la tête et répond « oui, Galaad ». C’était simple et sans discussion, un accord parfait.

Et voilà le récit de la naissance de Galaad, récit que j’ai fait avant tout pour moi, tant je veux garder tout cela gravé dans ma mémoire, je ne veux jamais l’oublier ; et si vous avez eu la patience de le lire, nous aurons partagé un bon moment.

C’est ainsi que se conclut mon récit – sur une page blanche où Galaad a tout à écrire.